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Lecture à l’Entrepôt (Paris), le 11 mars 2014

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec Pablo Poblete, le 11 mars 2014, à l’Entrepôt 7/9 rue Francis de Préssensé Paris 14e.

Ira FELOUKATZI, Poète, organisatrice. HOMMAGE A L’ANTHOLOGIE « 116 POETES D’UN AUTRE MONDE POUR LA DEFENSE DE L’ECOSYSTEME PLANETAIRE  » Ed. Sous la direction du Poète, Pablo P…oblète, (« Coll. Poètes Planétaires »),Editions Unicité
Organisatrice: la Poète Ira Feloukatzi
LECTURES: Missawa KANO, Agnieszka KUMOR, Michela SECCI et la participation de la Poète québécoise, Claudine BERTRAND. Des poèmes d’ici et d’ailleurs qui expriment le thème de cette année «Au cœur des arts». Lecture de poèmes de l’anthologie par la comédienne Katia GRIMM Contribution musicale : Étienne CHAMPOLLION.
Entrée Libre.

 

4e Salon du Livre féminin, les 15 et 16 mars 2014 à La Rochelle

Claudine Bertrand est l’invitée d’honneur du 4e Salon du Livre féminin, les 15 et 16 mars à La Rochelle.
lire les 4 articles de presse (format PDF) :
2014.salon féminin du livre féminin
La Rochelle 2014 presse1
La Rochelle 2014 presse2
La Rochelle 2014 presse3
En 2008, Claudine Bertrand était déjà venue à La Rochelle, au titre de représentante officielle, dans le cadre de la commémoration du 400e anniversaire de la fondation de la ville de Québec.

 

 

 

 

 

 

 

Denise Sabourin (plasticienne), Claudine Bertrand (poète), Inge Tryml, Jean Cerezel-Callizo (artistes) au lycée Valin.

Un article de Nimrod sur « Passion Afrique »

CLAUDINE BERTRAND,

UNE PASSION LUMINEUSE

 

On ne sait à quoi tient une rencontre. Celle que j’ai eue avec le recueil de poèmes de Claudine Bertrand relève du miracle. Un miracle d’autant plus précieux qu’il témoigne du feu, le feu de la fournaise africaine. À l’ar­rivée, la poète nous donne à entendre et à voir un chant transparent, car la braise est devenue lumière, nous enveloppant sans façon, comme une nourriture ignée, presque l’orangeade qui ac­cueille l’assoiffé que le dehors inhos­pitalier a meurtri. « Noire lu­mière » — titre du premier poème qui ouvre cet ouvrage intitulé comme une déclaration d’amour, Passion Afrique­ —, est d’une lim­pidité extraordinaire. De la passion invoquée ici n’émane plus qu’une lumière printanière, forte, frétil­lante, et dont l’apai­sement constitue la matière. Pour nous en convaincre, lisons la première partie du poème :

On ne sait quand commence le voyage peut-être était-il déjà amorcé avant de fouler la terre Afrique mais on sait qu’il est contenu dans chaque seconde comme une attente.

Le tissu de nos vies

file sans reprise

ouvre un espace

où s’y glisser

comme ces mots

défilant à la queue leu leu

de débâcle en orage

ou flambée de sons

 

On ignore parfois

qui vient nous remuer

mais la sensation est là

le soleil est là

voilà des signes

nous rattachant au vivant

Claudine Bertrand atteint à l’essentiel avec ces vers-là. Ils sont dédiés à Amine Laourou, certainement un ami béninois : la poète cana­dienne est ambassadrice « en poésie » du Bénin. Elle ne pouvait recevoir de meilleure mission. Ambassadrice, elle est, en effet, mais de la lumière, de son magnétisme, de sa caresse. Claudine Bertrand a trouvé au Bénin non pas son Abyssinie, mais une manière de quête que peut-être la femme en elle était à même de restituer avec une vérité autre que celle du poète de Charleville-Mézières. Ici, rien n’est abrasif, rien qui s’apparente à la quête de l’or et au trafic d’armes. « Au-des­sus du lac Nokoué / murmure à l’oreille / aimer est une priè­re noire », confesse-t-elle. Le ton est toujours jus­te, il nous em­porte avec un brin d’amour insu, parce que le temps presse, qui est vécu, unique, essentiel, à la croisée des étoiles — et qui donc, parmi les hommes, au petit matin, quand celles-ci pâliront, nous donnera la certitude qu’elles reviendront le soir éclairer notre âme ? La beauté est comme l’amour : elle a toujours faim, même si elle ne se plaint ja­mais. Claudine Bertrand explore l’Afrique avec l’« arme miracu­leuse » qu’est l’amour, et on comprend qu’elle y réussisse avec cette grande simplicité — du moins, la simplicité du grand poète. Ayant transformé la lumière africaine, elle peut à sa guise inventer les néolo­gismes qu’elle veut — l’amour autorise tout, soutenait saint Paul !

Tes mains étrangent les plis du corps

font entrevoir de larges horizons

dans l’entrecuisse

je te supplie

de ramener le soleil à l’ombre

Claudine Bertrand prend à revers Arthur Rimbaud ; Une saison en enfer est renversée, car c’est en Afrique, plus précisément, au Bénin que la Québécoise déniche aujourd’hui les « voleurs de feu » de la mythologie occidentale. Ne lui en faisons pas grief. Ce serait oublier que, depuis les surréalistes, l’amour est devenu un outil de connais­sance pour les poètes. Oui, l’Africain sera désormais l’éclaireur de l’uni­vers : « Voleur de feu / tu portes l’art / à coups de bouts du monde ». La passion qui s’exprime dans ces vers justifie parfaitement le titre de ce recueil. En outre, on n’a jamais dit si bien et si court. Et la poète d’ajouter :

Tu es de ce côté de l’histoire

qui jamais ne commence

jamais ne finit

multiple comme les vents

            C’est l’argument imparable : chapeau bas !

NIMROD

Claudine Bertrand, Passion Afrique, « Ficelle » n° 92, sep­tembre et octobre 2009, illustrations de Michel Mousseau, éditions Rougier V. (Les Forettes 61380 Soligny-la-Trappe), 45 pages, 7 €.

 

 

 

 

Un article de Chantal Danjou sur « Au large du Sénégal » – 2013

Claudine Bertrand, Au large du Sénégal . Ed. Rougier V.  2013, Collection Plis Urgents  29

 

Ecoute !

            « On ne sait quand commence le voyage… » , c’est ainsi que Claudine Bertrand abordait son recueil intitulé PASSION AFRIQUE. Reprendre ses propos, ici, permet de souligner combien l’itinéraire de l’auteur en Afrique, les voyages successifs qu’elle y fait, est une quête non du seul paysage mais de la langue appelée à le décrire voire à l’annoncer. C’est sans doute aussi reconnaître ce que la réalité du voyage modifie de son appréhension du monde, de l’humain, exprimer le processus alchimique par lequel l’expérience vécue se traduit par une expérience renouvelée et risquée de l’écriture : « Une aventure inachevée – et acceptée comme telle - / A chaque page / Sur la vague / Trame de haute marée ». Dans un même mouvement, c’est s’interroger sur ce que l’on voit, « Se frayer un chemin / Entre bruits et turbulences ». Comment la pratique poétique déplace-t-elle le regard et redessine-t-elle les frontières d’un pays en tenant compte de son histoire, de ses révoltes, tout autant de l’observation et de l’acuité du poète ? C’est alors quitter l’arbitraire, bannir le tourisme, pour l’aventure, géographique et intérieure, le savoir sur leun monde ne pouvant être que provisoire et intimement lié aux « bribes de langage » qui serpentent à travers lui comme autant de fleuves menant à la mer qui « Ouvre grand ses marées ». Travail syncopé d’évidement et de recouvrement, le poétique ne saurait initier au monde sans en redéfinir l’espace.

 

AU LARGE DU SENEGAL  s’ouvre sur une citation de Léopold Sédar Senghor dont l’injonction réitérée de « Ecoute » frappe le lecteur par le rythme qu’elle impulse, d’abord, par l’état de vigilance qu’elle suppose, ensuite. Pour la poète québécoise, c’est aussi, par le « silence » et par la « voix » conjugués, explicitement nommés par L. S. S., rejoindre une communauté de langue – la francophonie – et une sensibilité aux différences, provoquant l’étonnement et le désir, autrement dit un état poétique préalable à l’écriture. C’est aussi se rapprocher d’un certain humanisme. A l’injonction liminaire fait écho, pour le lecteur, le conseil d’un autre poète-arpenteur et notamment du Sénégal, Max-Pol Fouchet : « Regarde / Ecoute / Débusque / Prends la légende / avec amour en toi », écrivait-il et auquel Claudine Bertrand, toujours dans cette connivence particulière et instinctive qui relie parfois les poètes, répond par : « L’homme nomade / Mue légende en réalité ». Une telle croisée de route et de pensée atteste bien de l’accueil fait à la diversité des paysages, du respect avec lequel le regard se porte sur l’homme et au-delà sur l’humanité – son origine et son histoire – ainsi que sur son environnement ; témoigne enfin de la générosité d’une écriture authentique qui cherche non pas l’exotisme mais la transmission d’une expérience : « Te dire encore / Mon Afrique », à l’instar de Max-Pol Fouchet, poète mais aussi photographe qui, loin de tout effet spectaculaire, saisissait avec son cliché représentant un visage d’homme de Casamance, l’essentiel. Ne s’ouvrait-il pas à l’essence des choses et des êtres, quand le spectateur – photographe, voyageur, poète – accepte enfin d’être regardé par celui qu’il regarde, consentant à ce monde que son modèle portait au moment de la prise photographique ? C’est l’impression que donne ce beau visage de Casamance. Et en cela il conduit au très juste pressentiment de Claudine Bertrand qui voit, au fil du voyage comme « Au fil de l’eau / Des visages perdus / [qui] Refont surface / Et nous regardent ».En ce sens, l’auteur a su lier le pittoresque et l’intime, le détail qui, littéralement, sait emmener son lecteur au Sénégal, se trouve dans le temps même de son énonciation, intériorisé, « dans les draps de Savane », mémorisé, inscrit dans une sorte de généalogie revisitée. La poète-voyageuse est avant tout celle qui consigne les traces successives de l’humanité, naissance au monde voyagé qui devient « renaissance », reliant les deux rivages extrêmes – la vie et la mort – par « la barque-sortilège », symbole de traversée, cette traversée sensible, intellectuelle et humaine qui double, précède peut-être, le nomadisme à travers le pays. C’est en même temps un voyage dans la langue dont les verbes, tels « interroge ; dicte ; persiste énigme ; légende ; me mystère », permettent à C. B. de s’inscrire dans une « géopoétique » et ainsi, écrit-elle, «on revient dans nos pas / Larmes de Senghor / Ramenant à la source / La langue », le départ ayant été métaphoriquement déplié comme une « Levée d’encre ».

Le titre du recueil, auquel cas, ne peut qu’interpeller le lecteur. Ce « au large du Sénégal » ne signifierait-il pas un territoire de langue, d’où l’on part et où l’on revient avec les embruns et les goûts de la traversée, sans oubli possible, les papiers gouachés de Michel Mousseau qui accompagnent le texte fonctionnant comme des îles ou des marées de papier, incessantes, où le poète apprend à nommer son « large », lieu du « Rien n’est apparu / Ni disparu », du transitoire et du saisissable à la fois, où se mêlent le perceptible et le dit, « odeur de la semence odeur de la parole » matière même du poétique, selon Léopold Sédar Senghor.

 

 

Chantal Danjou pour La Roue Traversière

Extraits

MONTRÉAL EN PIÈCES DÉTACHÉES

«Réduit à sa forme la plus simple et essentielle, le poème est une chanson» Octavio Paz

 Dans un mois dans un an
Quand je retrouverai Montréal
À la saveur des premiers fruits
À l’odeur des premiers jardins
Quand les enfants dans leurs pas perdus
Passeront devant le presbytère désert
Alors je me rappellerai
Mon enfance oubliée
Et les morts aimés
Je me rappellerai de cette ville
Qui à la fois aveugle et éclaire

Dans un mois dans un an
Je me rappellerai de Montréal
De jour de nuit
Ce paysage sauvage
À travers la jungle des lettres et des sons
Je me rappellerai Montréal
En pièces détachées
Montréal l’esclave insoumise
Je me rappellerai la-rue-sans-nom
Celle qui descend vers le fleuve
Loin de la magie urbaine
Et du tam-tam quotidien

 

LE CORPS EN TÊTE

Un peu de nuit s’attarde à nos pieds
comme un reste de nos paroles.
Le corps est une signature enfantine
depuis longtemps oubliée.

Quelqu’un piétine le givre craquant
des lettres.
***

Quelqu’un tire un rideau et voilà
qu’apparaît la fêlure du monde.
C’est un cheveu sur l’œil.

C’est une lézarde au milieu de la langue.
Un vieux foyer bordé de dents.

***

L’ombre du ciel se frotte contre toi.
Tu es le contre jour qui passe
à côté du présent.

Elle rassemble ses doigts. Elle en fait un bouquet. Elle four-
re cela d’un coup dans ta bouche. Elle veut que tu suces le goût du temps.

***

Peut-on offrir toute la profondeur
d’un coup de surface? Il y a des seins
dans le toucher, des cœurs dans la pulpe.

Celui qui aime n’a qu’un désir :
violer les règles du je.

***

Quand la respiration devient la langue
du silence, je souffle un peu plus fort.
Tu ne vois peut-être que ma buée.

Tu lèches ma pensée en l’air.

***

Elle accueille de toute sa peau
des signes que son corps déchiffre
en dessous. Les grands mots du désir
coulent dans l’invisible. Elle écoute
cette longue phrase pénétrante.

***

Le poème est une aventure à
mener pour lui.

Son mouvement absorbe celui
de la vie. Il rend sensible
la peau du silence.

***

Comme dans un tableau, les personnages
sont des couleurs,
donc de la matière vivante.

Leur sexe n’est pas sexuel,
il est l’ombre de la chair.

***

Le réel se rêve dans l’écriture,
c’est ainsi que le sang se réalise
dans la main.

Plus tard, on ne sait où est l’entrée
du miroir, ni de quel côté l’image,
de quel côté le corps.

***
Tes yeux ont touché ma figure.
Peut-être n’étais-je que leur projection,
peut-être les avais-je créés afin
d’être vue telle que je le veux.

Ainsi soit-il, dit le lecteur qui, toujours,
dit la vérité.

Regarder vers le passé est une manière
de creuser dans la direction de la source,
mais aucune âme n’a de lèvre pour
faire venir l’eau. Il ne nous reste
par conséquent qu’à faire venir les larmes.

Elles seules donnent un fond au visage et
dissipent l’illusion.

L’Atelier des Brisants

PIERRES SAUVAGES

Patrie des pierres
on enterre les vivants

Un homme
chaque jour
dépose une pensée
quelques mots
sur un tombeau inconnu

Quand l’air tranche la gorge
se taisent ses mots

Certaines pierres
renaissent
et repoussent la douleur

Tout peut tenir en ces paroles

Plus de portes
ni de fenêtres

Je n’habite plus les demeures
qui me dépossèdent

Surprise
à lécher la pierre
pour étancher la soif

Derrière des barreaux
se touchent des lèvres

La pierre crève les yeux des miroirs

Je ne vois plus la pluie
chaque mot l’étreint
tel le dévolu de son ombre

Pour l’étrangère
nul endroit
où déposer son nom

Les nids abandonnés
par la guerre
détournent le printemps

Ce qui était n’est plus
ce qui est à venir n’est pas
ce qui est n’est pas encore tracé

Au lieu du sommeil
chaque nuit grignote un souvenir
et fait naufrage

La passion
une courte phrase
qui hurle toute une vie

Tu implores la nuit
de cacher tes yeux
pour mieux voir

Quand la lumière chancelle
l’existence s’écrit mieux

Le poète condamné
promène sa carapace
arrache son manteau de colère

Les battements du cosmos
remuent dan tes veines
et te conduisent vers la mort

J’ai les mains remplies
de rivières
de forêts noyées
d’arbres hantés

Les pierres se gorgent de pluie
retrouvent leur insolence
donnent chair aux habitations

La feuille tombe avec les mots
comme une réalité
en fin de partie

Une maison sans toit
un puits sans eau
découragent tout bonheur

Un bûcher seule demeure
tant de jours tant de nuits
pour tout déraciner

Qui se souviendra
de ses râles
de ses vérités tronquées

Sur des haillons
de pierre
elle aura appris à se lever

Et à marcher
telle une vivante

AILLEURS INTÉRIEURS

Chargée de cascades
au mollet nerveux et mus clé
la ville n’est plus la ville
Une allée d’aubépines
s’en file comme des chapelles
les unes aux autres
l’emprunterons-nous de nouveau
L’herbe trébuche étouffe
et seule pleure
Vivre sans mot dire
derrière les lourds volets
est-ce vivre

Sous le foisonnement des arbres
je quête le silence des feuilles
Parmi le bavardage
ver tige cherche
vocabulaire
de vérités toutes nues
Prise tout entière
dans les filets de l’instant
rompre le dés enchantement
Un baiser la fit sur sauter
demi-tour vers la réalité
Il pose l’annulaire sur ses prunelles
elle mur mure te voilà enfin !

ÉDITIONS L’HARMATTAN, collection poètes des cinq continents, PARIS, 2005 (Préface de Jean Pierre Faye)