L'Express d'Outremont et Mont-Royal

       Une anthologie en trois quêtes de Claudine Bertrand

Michel Joanny-Furtin Un article de Michel Joanny-Furtin, publié le 31 Octobre 2011

Préparée et préfacée par Louise Dupré, Rouge assoiffée rassemble des extraits de quinze recueils de Claudine Bertrand parus de 1983 à 2010. À travers ces pages qui nous font marcher mot à mot sur le parcours de l’auteure, on retrouve les grands cycles qui structurent son oeuvre autour des thématiques qui lui sont chères.

«Pourquoi le rouge ? C’est un symbole de l’amour et de la passion, mais aussi de la vie ou de la mort, via l’amour…», résume dans un clin d’œil Claudine Bertrand, une voix essentielle de l’expression française au Québec.

Rouge assoiffée, c’est une anthologie personnelle, avec quelques extraits de critiques et de commentaires de différents intellectuels, journalistes ou chroniqueurs à propos de sa démarche artistique et poétique.

Rouge assoiffée rassemble des textes de Claudine Bertrand. «Cette proposition d’anthologie m’est venue à une période où je me sentais à la croisée des chemins, un point nommé d’un parcours. Rassembler des extraits de livres épuisés ou moins accessibles, parce qu’ils ont été édités dans un autre pays par exemple, me permet de faire le bilan littéraire d’une autre quête.

   Une préfacière anthropologue

Signant la préface, Louise Dupré y présente une vision d’ensemble où l’écriture de Claudine Bertrand prend sens. Dans ce périple littéraire de trente ans au coeur de la poésie québécoise, elle guide le lecteur et rend le discours poétique accessible sans toutefois rien sacrifier de la rigueur intellectuelle. Elle propose divers sentiers rappelant que la poésie conduit vers l’inconnu.

«Je lui ai laissé carte blanche. Louise Dupré est poétesse elle-même, enseignante en littérature à l’UQAM. Cette spécialiste est une référence en littérature et poésie au Québec. Elle a publié beaucoup d’essais et d’ouvrages. Elle a suivi mon parcours. J’ai donc laissé libre cours à Louise Dupré, comme elle l’écrit si bien dans la préface, et je lui ai laissé une totale autonomie. Je savais qu’elle était à même de bien choisir les textes les plus emblématiques selon des thèmes qui me sont chers, l’actualité ambiante, l’interaction entre l’histoire du Québec et ma poésie dans ses différentes époques.»

Pour Claudine Bertrand, le poème est le lieu de la mise à nu de l’histoire personnelle, douloureuse et prégnante, liée au kaléidoscope de l’Histoire. Inscrite dans le temps et le monde présents, témoin de leur folie comme de leur raison, l’œuvre de Claudine Bertrand est toujours en quête des origines des mots et des hommes à la manière de «qui a commencé le premier?» pourrait-on résumer en souriant.

«Nous sommes des êtres de parole, parait-il. Chaque écrivain, chaque poète est un chercheur et un spéléologue de la langue; j’ai toujours voulu aller ainsi voir aux sources de l’inspiration, parce que je suis assoiffée de changement…»

La quête de l’Ailleurs

La poète et son écriture sont deux grandes voyageuses qui nous mènent sur plusieurs continents, cherchant chaque fois à s’ancrer dans cet autre univers. Rouge assoiffée révèle la parole essentielle d’une écrivaine revenue de loin, mais jamais, Ô grand jamais, de tout…

Le cheminement artistique de Claudine Bertrand semble se diviser en trois décennies: «De 1981 à 1991, ce fut la quête amoureuse», détaille à brûle-pourpoint la poétesse. «De 1991 à 2001, serait alors la quête de l’Autre, ou plutôt de l’Ailleurs et de ses cultures. Enfin de 2002 à actuellement, je pense que je la définirais comme une quête de quête du futur, un futur intérieur…» Les cultures autres, comme celles de l’Afrique «qui m’inspirent et m’invitent à me ressourcer, des images se déposent en moi et agrandissent le paysage émotionnel, culturel ainsi qu’imaginaire.»

En plus de ses activités poétiques en France, primée au Bénin, Claudine Bertrand participe depuis deux ans au Festival de poésie de la Kabylie où elle fait connaître la poésie québécoise et inversement quand elle revient dans nos arpents de neige. Une mission pour laquelle elle a reçu une bourse dans la catégorie écrivains professionnels du Conseil des arts et des lettres du Québec. «Je veux faire connaître les poètes kabyles dans la revue mouvances.ca que j’ai fondée en 2006», ajoute Claudine.

Une réponse à l’indicible

De la quête des origines à celle de la passion, Claudine Bertrand nous offre un regard sur la réalité d’aujourd’hui et fait entendre les voix de l’invisible puisque, comme le disait Magritte, « l’artiste doit rendre visible l’invisible ».

Et pour cela tous les chemins sont bons, comme l’a écrit le critique Jacques Fournier : «journal fragmenté, découpage scénaristique, courte prose sans ponctuation qui disent plus crûment la violence de vivre, l’absence de la mère et la difficulté à se construire, cherchant dans l’ésotérisme une tentative de réponse à l’indicible».

«Comme je suis une orpheline, pour moi, la poésie me permet d’être vivante, d’appartenir à la communauté des écrivains. J’ai donc toujours été passionnée par le sacré, parce que la spiritualité est un outil de connaissance. Ce n’est pas une fin en-soi, mais une fin à soi…»

Outil de référence, cette anthologie qui approfondit le parcours d’une écrivaine et celui du Québec, entrera dans les établissements scolaires et les universités. Choisi en fonction de la qualité et le rayonnement de l’auteur ici et à l’étranger, cela représente pour l’auteure choisie une réelle consécration.

Rouge assoiffée, de Claudine Bertrand © Typo poésie – Éditions TYPO (2011 – 400 pages)

Claudine Bertrand participera au prochain Salon du Livre du 16 au 21 novembre où elle signera ses ouvrages, animera un débat sur la poésie et réalisera diverses entrevues autour des voix francophones. De plus, une lecture de poésie est programmée à la maison de la culture Rosemont-La Petite-Patrie le 18 novembre à 20h en présence de graveurs.

Comments are closed.