Avec un style souvent lapidaire, les mots d’un tel livre sont au service d’ un « paysage » dont Claudine Bertrand, telle une “Dernière femme” devient la voyelle, la pierre sauvage. Elle l’éclaire par tressaillements pour en délivrer les secrets. Mais, dans ce lieu, elle n’est pas forcément seule. Peut se « croiser un homme au hasard » pour une jubilation de l’éros que souligne une dernière photo de Joël Leick : buste nu de femme recouvert de monnaie du pape. C’est comme si l’amour venait moins pour casser le cours des choses que renforcer le chemin de la vie et inventer la communauté inavouable au sein d’une entropie.
Existe un jeu entre l’imaginaire et à la réalité, bref entre deux univers et des lieux insolites soulignés par les photographies en noir et blanc de Joël Leick. Le paysage est à la fois simple et complexe car en lui et ses surplombs et paradigmes “Le ciel défait ma chevelure / délivre des sons /sur la plage offerte”.
Cette chevelure n’est en rien baudelairienne mais s’ouvre à la fiction et la chute qui interrogent à leur façon la question du nous, de l’amour, ses frissons, ses sensations, ses ivresses et son tumulte intérieur.
La passion est là sans forme alambiquée mais celle qui écrivait : « depuis le début des temps / je m’appelle Constance / malgré tout je me sens prête à décoller » reste dans sa sensualité existentielle. La chair filtre, la langue s’évade et jusqu’au ventre glisse une pluie de baisers là où le réel s’épuise avant que, plus loin, après, les photos de Leick avec leurs arbres aux branches importunes créent un autre paysage secret.
Le monde une fois encore devient passion et l’auteure son passeur, qu’importe si une « héroïne / emprisonnée » semble brisée. Les histoires d’amour se font encore étreintes obstinées “d’une langue à l’autre” en des caprices allongés et isolés de l’horizon.
Jean – Paul Gavard-Perret (2 avril 2020) – littéraire .com