Murmure de rizières, Claudine Bertrand, éditions de la Lune bleue, 2014
Happé musicalement par l’allitération du titre on ouvre l’ouvrage des éditions de la Lune bleue qui comporte huit poèmes de Claudine Bertrand illustrés par cinq peintures de Eban.
Un tirage limité permet au texte de conserver le côté précieux que possède en lui-même le livret.
Dès les quatre premiers minuscules tercets du premier texte et » à l’entrée de la pagode » Thiên Mu, la plus connue du Vietnam, on est initié à ce qu’il convient d’appeler une promenade d’ordre à la fois plastique et littéraire. Peinture et sculpture sont tout d’abord convoquées au sein d’une nature harmonieuse : » osmose de la terre et de l’eau « . L’art se vit jusque au dehors: » spectacle de rue » et les grottes sont à elles-mêmes de » véritables cathédrales » vers lesquelles » Glissent les sampans « , ces bateaux de l’Asie.
On remarque bientôt que le temps est prégnant, au cœur du ressenti, avec son » sablier » et la » chambre » qui le domine, et favorise les jeux de lumière de l’aube au crépuscule.
Puis, par une succession d’images auditives et visuelles, est décrite toute la vie orientale et plus précisément ici celle du Vietnam avec son » Mua rôi nuoc « , théâtre de marionnettes. Une vie baignée par le Fleuve Mékong et sur laquelle, » Entre les feuilles de latanier « , peut régner l’écriture : » poèmes à chapeaux » et » Phrases à contre-jour « .
Et, comme pour couronner le tout, se trouvent :
» Sur la montagne de marbre
Des bouddhas émerveillés
Côtoyant le jade »
L’or et le vert des poèmes sont accompagnés par le bleu et le rouge des peintures de Eban et ces couleurs toutes ensemble offrent la beauté d’une palette.
Le livret s’achève sur le constat d’une dualité, ici donc du yin et du yang, et, par là, du retour des choses.
C’est ce monde qu’il a fallu » déchiffrer » dans » une » langue de voyage » et au travers de » paysages « . Enfin, dans les derniers vers, passent encore les nuages au goût d’éternité.